Récits de guerre #19"Infirmière Ch'dorth, passez-moi le stimulateur ostéogénique", dit le docteur Harza-Kull, plongé jusqu'au coude dans une opération de microchirurgie.
Le patient, un Bekk prénommé K'rat, s'agita et commença à marmonner, "Non, laissez-moi aller au Sto'vo'kor."
"Pas aujourd'hui, j'en ai peur, répondit Harza-Kull, l'Empire a encore besoin de vos services. Infirmière, passez-moi -"
L'infirmerie fut secouée par la force d'un impact, et les lumières s'éteignirent. Harza-Kull lâcha une série de jurons dans différentes langues à la faveur de l'obscurité avant que les lampes d'urgence ne s'allument, encore plus écarlates que la lumière déjà habituellement rougeâtre à bord du Bortasqu'.
"Koren à l'infirmerie. Des blessés arrivent." La voix du capitaine Koren résonna dans le communicateur, lasse.
"Quoi ? Nous sommes encore attaqués ? Je n'ai même pas encore fini de remettre sur pied le dernier groupe," dit Harza-Kull.
"C'est les portails, docteur. Les Hérauts peuvent être n'importe où, n'importe quand, dit Koren. Et ils ne vont pas ralentir à cause d'un docteur qui se plaint de ne pas avoir le temps de traiter ses patients."
Harza-Kull grogna de frustration et empoigna un régénérateur dermique parmi les instruments alignés sur le mur. "Pas le temps de faire ça bien, j'en ai peur. On a besoin de vous à votre station, K'rat. Vous allez avoir une sacrée cicatrice."
"Ne vous inquiétez pas, K'rat, dit Ch'droth, les femmes klingonnes adorent les hommes avec quelques cicatrices."
Alors qu'il finissait à peine de recoudre l'incision de K'rat, une équipe de quatre hommes d'équipage apportait trois guerriers blessés."
"Mettez-les sur les lits quatre, cinq et six", dit Harza-Kull qui évaluait déjà mentalement son travail sur le premier patient, puis se tourna vers Ch'droth, "Infirmière, administrez 20 ccs d'inaprovaline à Bekk K'rat et renvoyez-le au travail, nous allons avoir besoin du lit."
Harza-Kull effectua un scan complet du premier patient, qui était encore inconscient, "Brûlures de plasma sévères, possible commotion, multiples contusions et côtes fracturées. Il survivra, mais il ne retournera pas au combat de sitôt. Donnez-lui environ 15 ccs de Triptacederine et branchez-le pour garder un œil sur ses signes vitaux."
Le second patient, le lieutenant J'sac, était réveillé mais en état de choc. Son bras gauche était gravement brûlé. "Que s'est-il passé, lieutenant ?" demanda Harza-Kull, principalement pour évaluer le statut mental de J'sac - il avait pu sentir l'odeur caractéristique d'une décharge d'électro-plasma au moment où le lieutenant avait pénétré dans l'infirmerie.
"Nous avons été touchés par une torpille, monsieur, et le conduit SEP a explosé," articula le lieutenant en essayant de ne pas laisser paraître la douleur de ses blessures dans sa voix.
Harza-Kull hocha brièvement la tête "Détendez-vous, lieutenant."
Le troisième membre d'équipage souffrait de telles brûlures qu'il était presque méconnaissable. Ce n'est qu'en comparant le scan à ses dossiers médicaux qu'Harza-Kull pu l'identifier en tant que Bekk Orrad, tout juste sorti de l'académie sur Qo’noS.
Le triage à bord d'un vaisseau klingon était toujours compliqué, au mieux. Sur un autre vaisseau, et dans d'autres circonstances, il aurait essayé de sauver le jeune homme. Mais ses blessures étaient si graves que cela lui prendrait plusieurs heures pour le stabiliser, puis il resterait alité pendant des semaines avant de pouvoir reprendre son poste. À l'inverse, il pouvait amputer le bras de J'sac, le bourrer de stimulants et le renvoyer à sa station en moins d'une heure.
Et au cours d'une guerre comme celle-ci, cet officier supplémentaire pouvait faire la différence entre la survie et la destruction du Bortasqu'.
Harza-Kull se tourna vers l'infirmière Ch'droth et dit calmement, "Hé bien, si j'avais plus de temps devant moi je pourrais sauver son bras, mais nous avons besoin de lui sur la passerelle. Infirmière, préparez le lieutenant pour l'amputation."
"Monsieur, n'est-ce pas un peu extrême ? Vous savez ce que nous autres Klingons pensons de ce genre de blessures."
"C'est la guerre, infirmière," répliqua le docteur, "et le lieutenant J'sac est un officier spécialiste en armes énergétiques. Et un officier spécialiste en armes énergétique avec un seul bras est toujours mieux que pas d'officier du tout. S'il préfèrerait mourir que d'être amputé, il peut toujours accomplir le Hegh'bat après que nous ayons gagné la guerre."
Une autre explosion fit valdinguer l'infirmerie. L'un des membres d'équipage qui avaient apporté les blessés perdit pied et renversa un rail rempli d'instruments.
"Cela suffit, aboya Harza-Kull, hors de mon infirmerie, tout de suite. Nous sommes en pleine guerre, allez vous rendre utile. Et laissez-moi à mes propres batailles."
Harza-Kull se retourna vers le troisième patient, creusant inlassablement sa cervelle à la recherche d'un moyen de sauver le jeune guerrier. Le cruel calcul de la situation ne le laissa qu'avec une seule solution.
"Et un de plus pour le Sto'vo'kor, infirmière. Donnez-lui quelque chose pour apaiser sa souffrance et retournez préparer le lieutenant." Elle ne discuta pas. En fait, Harza-Kull surpris un soupçon d'envie dans son regard qui le perturba. Ch'droth était une infirmière compétente, bien qu'elle manque de motivation. Il savait qu'elle brûlait d'envie de prouver sa valeur au combat, mais ne possédait pas la forme physique nécessaire. Pour elle, devenir infirmière était devenue sa façon de servir l'Empire. Parfois, cependant, il semblerait qu'elle enverrait volontiers tous les blessés vers le Sto'vo'kor, tous les Klingons au moins. Pour leur bien, évidemment, mais son appréciation démesurée d'une mort glorieuse le mettait mal à l'aise.
Son travail, quant à lui, était de les remettre d'aplomb pour les renvoyer au combat, et de prendre les décisions difficiles pour décider de ceux qui pourront vivre, et de ceux qui devront périr. Il n'était que d'un maigre confort de savoir que, si on lui donnait le choix, le jeune guerrier choisirait certainement la mort pour assurer sa place dans l'au-delà. Harza-Kull aurait choisi de vivre. En fait, il les aurait tous forcés à vivre, s'il avait pu prendre la décision pour eux. Les laisser mourir de vieillesse et se rendre au Greth'or avec les défunts sans honneur. Au moins, leurs morts ne pèseraient pas sur sa conscience.
"Koren à l'infirmerie. D'autres blessés arrivent."
"Encore ? Je n'ai presque plus de lits ici, capitaine."
"Je vais demander aux Hérauts de ralentir un peu, docteur, afin de vous permettre de garder le rythme", ironisa Koren.
"Ah, cette célèbre volonté de fer klingonne. Avec ça et quelques lits de soins supplémentaires, nous pourrions presque garder vos stations suffisamment peuplées pour gagner cette guerre," répliqua Harza-Kull.
"Gardez le sourire, docteur. Aujourd'hui est un bon jour pour mourir," dit Koren.
"Je ne sais pas si c'est un bon jour", répondit Harza-Kull, "mais il a décidément l'air d'avoir du succès."
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