[PC] La Volonté de Combattre« Journal du capitaine, supplément. »
Le capitaine Thy’kir Shran lâcha le bouton du terminal de son bureau. Il s'y était rendu pour enregistrer ses pensées tandis que l'U.S.S.
Sebrova naviguait en vitesse de distorsion élevée vers leur dernier objectif. Ils vivaient un moment historique, dans une époque mouvementée, et il avait le sentiment qu'il fallait en rapporter les détails.
Seulement, il ne savait pas par où commencer.
La mission d'exploration pacifique que Starfleet lui avait attribuée lorsqu'il avait revêtu l'uniforme n'était plus la priorité. Tous les vaisseaux scientifiques de la flotte étaient rééquipés pour le combat, et le
Sebrova ne faisait pas exception. Tout cela à cause des attaques klingonnes de la Bataille aux étoiles binaires. Le
Sebrova n'était pas présent à la bataille, et bien qu'il ne doute pas de sa véracité, cette tragédie lui semblait encore surréaliste pour deux raisons : d'une part, parce que les Klingons avaient fait preuve d'une extrême sauvagerie et d'autre part, parce que parmi les pertes de la Fédération figurait un vaisseau nommé après son arrière-grand-père, le légendaire héros de guerre andorien, Thy’lek Shran. Il se souvenait l'avoir visité peu de temps après avoir été nommé capitaine du
Sebrova. Arpenter les ponts de l'U.S.S.
Shran avait été étrangement agréable ; on l'avait traité avec les égards réservés à quelqu'un qui partage les liens du sang avec un guerrier adulé, même s'il ne l'avait jamais connu.
Ce n'est pas la galaxie que Thy’lek Shran a laissée derrière lui, songea Thy’kir. Il plaça à nouveau son doigt sur le terminal et prit une respiration. Les antennes sur le sommet de son crâne tressaillirent, comme scannant la pièce en quête d'inspiration.
« Le
Sebrova avance comme prévu vers son objectif. Nous avons pour mission de déterminer le statut de l'U.S.S.
Ticonderoga, dont la dernière position connue a été relevée dans ce secteur de l'espace. Ce n'est pas dans l'habitude du capitaine Durant de manquer un rapport de routine avec le commandement de Starfleet. Si le
Ticonderoga est tombé sous l'attaque des Klingons, nous devons en être certains le plus tôt possible. »
Il changea de ton et continua. « L'équipage montre de signes de fatigue, mais nous nous battons sans relâche, avec entrain et fierté, et notre vaisseau continue de briller au combat, ne subissant que des dégâts superficiels. »
Thy’kir marqua une pause. Un compte-rendu de leur statut ? Était-ce bien le but de ce rapport ? Il avait écouté un bon nombre d'entrées du journal de Thy’lek Shran ainsi que ses discours exaltants à l'équipage du
Kumari. L'ancêtre de Thy’kir n'était pas un orateur né, ou même un homme prompt à donner des ordres, mais il combattait comme un féroce
sehlat, et lorsque le moment de mener s'était présenté à lui, il l'avait surmonté comme n'importe quel autre obstacle auquel il avait fait face par le passé. Il avait survécu à la guerre contre Vulcain et Romulus, et s'était battu contre ses propres préjugés pour jouer un rôle central dans les fondements de la Fédération.
Aujourd'hui, Thy’kir Shran était un capitaine au service de la Fédération que son aïeul avait participé à créer. Pourtant, malgré toutes les avancées dont sa famille avait été témoin, la galaxie était plus dangereuse que jamais.
Il appuya sur le bouton et cette fois se pencha vers le terminal. Ces antennes pointèrent en avant, comme pour ne rien manquer.
« Je me surprends à penser à mon arrière-grand-père, qui s'est battu avec et contre le légendaire capitaine Jonathan Archer à l'époque où la Fédération n'était encore qu’un rêve. Pour un jeune Andorien, ses écrits et ses enregistrements regorgent d'enseignements indispensables. Des histoires de batailles gigantesques et de trouvailles de dernière minute, de sacrifices et d'amitiés dans l'immensité spatiale, tout cela nous montre que les officiers andoriens de cette époque étaient des hommes et femmes forts, prêts à tout, prêts à combattre bec et ongles pour venir à bout de l'ennemi. En tant qu'espèce, nous n'étions pas connus pour notre rétrospection ; et mon ancêtre est célèbre en tant qu'homme d'action, capable de choisir le côté du bien et de mettre sa vie en péril pour le voir gagner. »
Le capitaine Shran étira le bras pour gratter la base de son antenne, un tic nerveux qu'il avait attrapé pendant ses premiers jours à l'Académie, alors qu'il était l'un des seuls à avoir une couleur de peau identique à celle du ciel terrestre, et que tout ce qu'il pouvait faire était éclipsé par l’ombre de son arrière-grand-père. Contrairement au Shran de la légende, Thy’kir cherchait à exceller dans les études, l'anticipation et la préparation, et il craignait que le passé pugnace de son ancêtre ne soit un frein à sa progression. Dans une certaine mesure, il avait raison, mais il avait découvert qu'en prenant du recul, en identifiant son objectif, en allant dans sa direction sans en dévier et en saisissant chaque opportunité qui se présentait, il pourrait atteindre le tant convoité poste de capitaine. Il fut déçu dans un premier temps en réalisant que cet entêtement face à l'échec, cette détermination qui lui avait permis de grimper dans les échelons de Starfleet était identique à celle qui avait mené son ancêtre à la victoire.
Ces antennes pointèrent vers l'arrière en songeant à cela. Son aïeul avait affronté des adversaires féroces... mais il se demandait comment il devait appréhender la menace à laquelle Starfleet devait maintenant faire face : une terreur omniprésente sous la forme de flottes klingonnes se matérialisant soudainement, détruisant des vaisseaux de la Fédération avant même que quiconque ne puisse donner l'alerte rouge.
« Mon ancêtre a combattu avec honneur, et ses opposants aussi, dit-il en se rapprochant du terminal. Mon équipage et moi-même avons grandi en entendant ces histoires de combats gagnés contre toute attente, de flottes entières s'affrontant dans l'espace déchiré par les faisceaux à phaseur et les torpilles. Ceux d'entre nous qui ont étudié les Klingons au cours de notre entraînement savent qu'ils sont réputés pour leur bravoure, garants d'une tradition guerrière honorable et – si j'ose dire – d'un certain « fair-play » au combat. Beaucoup d'entre nous étaient enthousiastes à l'idée de rencontrer des Klingons, pas simplement pour les combattre, mais pour en apprendre davantage à leur sujet. » Les antennes de Thy’kir se recroquevillèrent. « Mais ce ne sont pas les Klingons auxquels nous faisons face aujourd'hui. »
Il soupira, et son regard se perdit sur les traînées de lumière passant par le hublot du vaisseau en distorsion. « Ces lâches restent tapis dans l'ombre, bondissant sur leur proie inconsciente du danger. Il n'y a aucun honneur dans les exécutions sommaires. Il n'y a que la paix, puis la mort, et il n'en reste qu'une paix au goût amer. »
La mission du
Sebrova était d'enquêter sur le sort du
Ticonderoga, mais ces derniers jours avaient démontré que les Klingons chassaient non seulement la flotte de Starfleet, mais également les vaisseaux civils présents dans ce secteur. Des marchands et des voyageurs traversant pacifiquement l’espace, frappés par ces pilleurs trop lâches pour les affronter de face. Son ancêtre les aurait maudit et leur aurait craché au visage s'il avait pu les affronter en face, mais ces ennemis tuaient sans crier gare. Vous êtes en sécurité, tout va bien, et soudain, "boum", vous êtes morts.
« Notre mission est de protéger, de servir de moyen de dissuasion contre ces raids à l'encontre des civils et de venir en aide et de secourir les vaisseaux ayant subi des attaques klingonnes. Mais..., il s'arrêta un moment puis secoua la tête. Cette mission est une mascarade. Comment protéger ces vaisseaux si nous sommes nous-mêmes impuissants face à eux ? Si nous sommes incertains du sort de l'un de nos propres vaisseaux... un vaisseau qui porte le nom de ma famille. » Il sentit son visage se rider, ses antennes se dressaient, comme en état d'alerte. « Nous ne pouvons combattre un ennemi invisible. Et aucun glorieux héritage ou vaisseau d'exploration modernisé ne peut rien faire contre cela ! »
En disant cela, son regard se posa sur une maquette exposée sur une étagère à côté de la porte de sa cabine. Une réplique plaquée or du
Kumari, un vaisseau sur lequel le commandant Thy’lek Shran avait affronté les Vulcains, les Xindi et ses propres préjugés, pour devenir le héros révéré de trois civilisations. Il devenait émotif à chaque fois qu'il voyait ce vaisseau, mais cette fois, le seul sentiment qu'il ressentait était la honte.
Ses antennes se courbèrent et il reporta son attention sur le terminal. « Le
Sebrova fera tout ce qui est en son pouvoir pour combattre la menace klingonne. Nous accomplirons notre mission, quelle qu'en soit la difficulté. Nous sommes une flotte de scientifiques et d'explorateurs portant des armures de guerriers. S'il existe un moyen de percer le secret de l'occultation des Klingons, nous le trouverons. »
À ce moment, la porte de son bureau s'ouvrit et son premier officier entra. « Capitaine, nous nous approchons de l'objectif... et nous avons intercepté un signal de détresse de Starfleet non-loin du secteur cible. »
« De quel vaisseau s'agit-il ? répondit-il, le
Ticonderoga ? »
« Non, Monsieur, dit l'officier. C'est un vaisseau assigné à l'Académie de Starfleet. Il est en voyage d’entraînement avec des cadets à son bord, capitaine. »
Le capitaine Shran leva les yeux de son terminal et hocha la tête.
Des cadets. Ils s'en prennent désormais à nos cadets. La lâcheté des Klingons ne connaît aucune limite. « Mettez le cap vers la source du signal, commandant. Vitesse maximale. »
Le premier officier acquiesça, « Bien, capitaine », et se retourna pour donner l'ordre. Le capitaine appuya sur le bouton du terminal une dernière fois.
« Ce n'est pas la galaxie que mon ancêtre a laissée derrière lui, dit-il, ses antennes tournoyant à l'image des pensées dans sa tête. Mais il s'agit de la galaxie dans laquelle nous vivons désormais. Et nous allons de l'avant, pour dissiper les ténèbres, repousser les fantômes et pourfendre la bête. Nous sommes du bon côté de l'Histoire, dit-il, et nous ferons tout notre possible pour qu'il gagne. »
Il se leva et s'éloigna de son bureau, tandis que la fenêtre de son terminal se fermait. Alors qu'il approchait de la porte menant à la passerelle, son regard fut à nouveau attiré par le brillant de la maquette du
Kumari.
Il s'arrêta un instant, songeur, avant d'entendre le brouhaha de la passerelle suivant l'annonce de l'alerte jaune.
« Nous les sauverons, eux aussi, Commandant Shran », dit-il alors qu'il se rendait d'un pas décidé sur le pont, prêt à faire honneur à son illustre parent.
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