Rien a gagner sauf l'honneurTarnh avait réussi à rester sur pied lorsque la dernière salve de tirs de phaseurs transperça ce qu'il restait des boucliers bâbord de son vaisseau. L'éclairage rouge sang de sa passerelle de commandement vacilla encore pendant un moment avant de s'éteindre, enveloppant ainsi la pièce dans une obscurité inquiétante. Alors que l'alimentation de secours se mit en marche et que la lumière revint, Tarnh se retourna vers Girra, son premier officier. Son visage était sombre lorsqu'elle croisa son regard au-dessus de sa console tactique. Il avait déjà vu ce regard une fois : lorsqu'ils avaient combattu les Klingons en 2408. Cette mission leur avait presque coûté la vie, et il semblerait que ce soit le cas pour celle-ci.
« Au rapport », dit Tarnh à Girra en tapant du poing sur le panneau de déverrouillage de la console en-dessous de lui. Cette dernière frappe avait abîmé son unité de commande holographique.
Faisons cela à l'ancienne, pensa-t-il amèrement, alors que la console commençait à s'élever.
Des boutons et des panneaux.« Restauration partielle de la puissance au bouclier bâbord, Chef », répondit Girra, criant presque par-dessus le vacarme du combat. « Nouveau signal en approche... c'est le
Defiant – »
« Quel
Defiant, » demanda Tarnh. « Sisko ? Morrison ? »
« Aucun des deux, » dit-elle en saisissant des ordres de tir. « C'est le
Defiant-C. »
Tarnh plissa les yeux en prenant conscience de ce qu'il se passait. Il connaissait ce vaisseau et son capitaine.
K’grel… fille de Korol. Vous êtes enfin venue régler vos comptes ? Le Defiant-C était un vaisseau formidable ; un Cuirassé de classe
Nachthexen au service de la 5ème Flotte Temporelle. C'était le vaisseau qui avait défait le
Général Vosk, un Dreadnought Na'kuhl et le vaisseau amiral du groupe de bataille
Virtuous Destiny.
Et il se rapprochait du vaisseau de Tarnh, un Destroyeur de la classe
Daemosh gravement endommagé.
« À la barre, manœuvre d'évitement Lu'kri, variante 4 », lança Tarnh alors que la console de commande manuelle se mettait en place devant lui. « Girra, dites à l'Ingénierie de mettre le clonage temporel en marche ! J'ai besoin de ce leurre avant que - »
Une autre frappe secoua alors violemment la passerelle ; Tarnh parvint à saisir sa console à temps.
Les autres membres de son équipe de passerelle n'eurent pas autant de chance.
Le Technicien Lurnn fut violemment projeté contre une cloison, et s'effondra au sol, inconscient. Du sang coulait de sa vilaine blessure à la tête.
« Médecin, » cria Girra à travers une fumée qui s'épaississait.
« Je veux cet homme à son poste, prêt au combat ! », hurla-t-elle alors que l'écran de sa console explosa et que des étincelles et des débris fusaient de l'intérieur.
Elle parvint à en éviter la majorité, même si quelques petits éclats perforèrent sa joue droite lorsqu'elle s'écarta.
« Restez avec moi, XO », lança Tarnh en entrant une série de commandes sur sa console.
« Elle sent le sang… Le
Defiant ne va pas vous lâcher de sitôt ! » Girra grommela alors qu'elle poussait un jeune Officier ingénieur de sa console pour en faire une station tactique.
Tarnh afficha un large sourire lorsqu'il vit les derniers renseignements sur l'écran principal : un escadron de combattants Na'kuhl offrait une diversion à leur adversaire de la Fédération.
« À la barre, en route vers le cap 113, marque 3 », Tarnh sentit alors une vague d'adrénaline le parcourir alors que son vaisseau adoptait une posture d'attaque.
Prends ça, saleté de meurtrier Klingon.
« Girra, préparez le Plas-cone – il est temps de montrer au Capitaine K'grel à quel point son joli minois nous a manqué ! »
« Paré à tirer, chef », répondit Girra.
« Dois-je lui envoyer un baiser ? »
« Avec mes sentiments les plus distingués. »
Girra saisit rapidement une séquence de tir sur sa console, et une rafale conique de plasma incandescent traversa l'éther, et engloutit le
Defiant dans un maelström infernal et aveuglant.
« Une frappe directe, » hurla Girra d'un air triomphant.
« Le niveau de leurs boucliers est critique ! »
« Sortez toutes les armes, » cria Tarnh.
« Ciblez le
Defiant et feu à volonté ! »
En un instant, le conflit entre les deux vaisseaux prit brutalement fin lorsque d'innombrables rayons et torpilles frappèrent le
Defiant, et le réduisirent en morceaux dans une spectaculaire explosion d'énergie et de débris.
L'équipage de la passerelle laissa éclater sa joie, et Tarnh prit un moment pour se reposer contre sa console.
Un de moins, pensa-t-il.
Plus qu'une infinité.« Message du commandement de la Flotte, Chef », cria l'Officier des communications, néophyte de l'équipage et à son poste.
Teyus ?
Teyunh ?
Tant sont morts, songea-t-il.
J'ai du mal à me souvenir de leurs noms... et de leurs visages.« Communications, au rapport, » répondit-il vivement.
« Quels sont les ordres ? »
Les yeux pourpres du jeune officier s'écarquillèrent lorsqu'il répondit.
« Chef, nous... allons nous détacher et affronter directement le vaisseau amiral ennemi. »
« L'
Enterprise ?
Vous en êtes sûr ? »
« O-oui, Chef... L'amiral... a insisté. »
Tarnh sentit que toute son équipe de commande le regardait.
Ils savaient qu'attaquer un vaisseau comme l'
Enterprise était de la folie.
Il échangea un bref regard inquiet avec Girra, qui acquiesça.
L'ordre avait été donné et les loyaux fils et filles de Na'kuhl y répondraient.
« À la barre, changement de cap, » dit Tarnh d'un air solennel, en regardant les mesures tactiques sur l'écran.
Un vaisseau massif se tenait là, face à eux, attendant dans l'œil du cyclone.
« Manœuvre d'interception.
Cible – L'U.S.S. Enterprise-J. »
L'équipage répondit sans hésiter, et le vaisseau accéléra sa course vers un destin peu reluisant.
Tarnh fronça les sourcils lorsqu'il vit de nouveaux renseignements à l'écran.
« Est-ce que je vois ce que je vois, » demanda-t-il, d'un air perplexe.
« Les Terriens se retirent ? »
« Oui, » lança Girra. « Ces satanés petits
ga’bruk.
Il semblerait que les Vorgons leur emboîtent le pas. »
« Enfer, » grommela Tarnh.
« Nous allons être à court d'alliés, XO. »
« Les rats quittent le navire, Chef », répondit-elle.
« Les constructeurs de sphères et les Krenims sont toujours avec nous, cependant. »
« Ils ont intérêt », dit Tarnh. « Procyon V était leur idée ! »
Au fur et à mesure que l'
Enterprise se rapprochait, Tarnh vit ce qu'il restait de son groupe de bataille principal converger et tirer sur le vaisseau colossal de la Fédération.
Ses boucliers luirent, mais tinrent bon.
Le vaisseau lança des rafales de phaseur meurtrières, et les résultats furent terrifiants.
Les vaisseaux plus petits furent immédiatement annihilés, tandis que les plus gros, gravement touchés, étaient éliminés par les vaisseaux de soutien chargés de protéger le vaisseau amiral ennemi.
Comme s'il avait besoin d'autant de protection, pensa Tarnh.
Il va tous nous tuer à lui seul…Soudain, un énorme rayon d'énergie émana de l'
Enterprise, et vint frapper le vaisseau de commandement des constructeurs de sphères avec une puissance inimaginable. En quelques instants, le vaisseau gigantesque implosa et fut réduit à néant par une force implacable et irrésistible.
Pendant un moment, un silence de mort régna sur le pont de Tarnh.
La voix de Girra brisa le silence. « Nom d'une étoile froide, qu'est-ce que c'était que
ça ? » lança-t-elle d'une voix éraillée par la panique et le choc.
« Le Tox Uthat, » dit Tarnh d'une voix étonnamment calme face à une telle dévastation. « Nous sommes fichus. »
« Chef ? » demanda Girra. « Vos... Vos ordres, monsieur ? »
Tarnh ferma les yeux un instant. Lorsqu'il les rouvrit, il vit à l'écran un spectacle macabre, les vaisseaux de ses camarades détruits les uns après les autres, et le triomphe de l'ennemi. Il se redressa et fit face à son équipage.
« À la barre, définissez un cap, » dit-il, d'un air serein. « Site d'évacuation Six. Impulsion d'urgence, vitesse maximale. Ce combat est terminé. » Alors que ses ordres étaient exécutés, Girra esquissa un sourire d'approbation, qui disparut rapidement lorsqu'elle vit de nouveaux renseignements sur l'écran. Un escadron de chasseurs de l'Alliance se rapprochait de leur position, prêts à faire feu.
« Interceptons-les », dit Tarnh, qui connaissait déjà la réponse.
Vous brûlez les étapes. La réponse de Girra fut couverte par le bruit des impacts d'armes sur les boucliers et la coque du Destroyer déjà en piteux état. Des cris d'angoisse remplissaient l'air, alors que la passerelle tremblait et prenait feu.
« Le bouclier arrière est détruit, Chef, » cria Girra. « Ils lancent des torpilles ! »
« Ingénierie, ici le Chef », dit Tarnh, d'un air grave. « Préparez le réacteur temporel. »
« Destination », répondit l'Ingénieur en chef.
« On rentre. »
« Quelle date stellaire, Chef », demanda l'ingénieur en haussant le ton. Le brouhaha de la salle des machines se fit entendre dans les haut-parleurs.
« Une semaine avant aujourd'hui, » cria Tarnh, alors que les torpilles s'approchaient du vaisseau. « Maintenant ! Allez ! »
Les lumières de la passerelle s'estompaient alors que le réacteur temporel commença à propulser le vaisseau dans le flux temporel, et s'éteignirent lorsque la première torpille toucha fit mouche.
***
Tarnh sentit une violente secousse lorsqu'il reprit ses esprits. Depuis le pont, il regarda les grands yeux rouges de son premier officier, qui appelait son nom, encore et encore.
« Deux choses, » dit Tarnh d'une voix éraillée par la fumée. « D'abord... faites-moi un rapport. Ensuite... faites-le
doucement. Mes oreilles sifflent assez comme ça ! »
« Oui, Chef », dit-elle moins fort. « Nous fonctionnons grâce à l'alimentation de secours. L'alimentation principale est hors service, l'impulsion est hors service, les armes... »
« Girra », demanda Tarnh, qui parvint à s'asseoir. « Qu'est-ce qui
n'est pas hors service ? »
« Les systèmes de survie, les propulseurs, les senseurs, les communications à courte portée... et ce synthétiseur Ferengi que vous vouliez voler à tout prix sur la Station Drozana. »
« Merveilleux. Apportez-moi un verre de Whisky Aldebaran. Non, j'ai changé d'avis », dit-il en affichant un sourire en coin. « Faites-en un double. »
« À vos ordres, Chef, » dit-elle, avec le sourire de quelqu'un qui a frôlé la mort.
Tarnh alla voir une équipe de contrôle des dégâts, qui travaillait sur un conduit d'énergie, et saisit un modulateur. « Remettons notre bébé sur pied, » dit-il aux membres d'équipage situés à côté.
Le jeune officier des communications prit une fois de plus la parole.
« Chef », dit-il alors que l'écran principal se remit à fonctionner. « Regardez. »
Tarnh se tourna pour voir ce qu'il pointait du doigt. C'était une étoile dorée, lumineuse et brûlante.
« Prugiv, » dit-il d'une voix douce à son officier scientifique étonné, qui restait bouche bée devant l'écran. « Identifiez ce corps stellaire. Navigation astrale... confirmez notre emplacement et notre position temporelle. » Il examinait silencieusement l'écran lorsque Girra arriva près de lui et lui tendit sa boisson.
« Je pense que je vais en prendre un aussi, Chef », dit-elle en voyant ce qui se dressait devant ses yeux.
« Permission accordée, » dit Tarnh calmement. « Et rapportez-m'en un autre, tant que vous y êtes. » Il but la liqueur émeraude d'un trait et sourit lorsque Prugiv confirma l'identité de l'étoile.
Elle était Na'kuhl.
Son sourire s'estompa lorsque l'officier chargé de la navigation astrale prit la parole. « Chef », dit-elle d'un ton hésitant. « Nous... nous sommes au 31ème siècle. J'ai vérifié, et en compensant la dérive stellaire... »
« Repos », répondit Tarnh. « Regardez là-bas. Notre étoile brille à nouveau de toute sa splendeur. Ne pensez-vous pas qu'il serait mieux d'observer et d'apprécier les miracles ? »
« Je détecte une signature de distorsion, Chef », dit Girra. « Registre de la Fédération, classe
Wells. Ils nous ont trouvés. »
« C'était rapide », dit Tarnh en secouant la tête. « Stations de combat, préparez-vous. »
« Chef, quelqu'un nous salue », dit l'officier en communications. « Leur capitaine veut vous parler. »
Tarnh haussa les épaules d'un air résigné. « Communications, affichez-les à l'écran. »
L'image d'un homme Na'kuhl apparut à l'écran. Il portait un uniforme de la Fédération. Tarnh cligna des yeux et afficha un certain émerveillement.
« Je suis le capitaine Gubret, de l'U.S.S.
Janeway. À qui ai-je l'honneur de parler ? »
« Chef Tarnh du N.V.
Salvation… à votre service. »
« Bienvenue chez vous, Chef Tarnh. Un monde attend de vous recevoir. »
Tarnh ne pouvait s'empêcher de sourire lorsqu'une larme coula sur sa joue. « Ravi de l'entendre, Capitaine, » dit-il d'une voix douce, en se tournant vers son équipage en liesse.
« Bienvenue chez vous. »
Source :
Rien a gagner sauf l'honneur