[PC] Pas à pasL'Arbitre Cajemaa se mit à respirer par la bouche discrètement, ou du moins l'espérait-elle, et sourit au groupe de scientifiques et ingénieurs kentaris et lukaris devant elle. Nombre de ses collègues en faisaient autant, devinait-elle.
Tous ces parfums, ces fragrances excentriques que les Lukaris ajoutent dans l'air, pensa-t-elle.
Je ne m'y ferai sans doute jamais, bien que j'aie déjà senti pires odeurs sur New Kentar,
en particulier au niveau du sol.
Elle s'inclina devant l'assemblée, reconnaissante que les Lukaris et les Kentaris ne pratiquent pas le serrage de mains que les membres de la Fédération avaient tenté d'effectuer lors de leur première visite sur sa planète natale. Une telle familiarité n'était pas bien vue sur New Kentar.
Un Lukari fit un pas en avant ; Otaan, supposa-t-elle. Elle avait entendu qu'il serait son homologue lukari : elle serait en charge des affaires des Kentaris, et lui des Lukaris. Ils allaient devoir tenir le rôle de parents face à une multitude d'enfants très différents et très turbulents. Elle espérait simplement qu'elle parviendrait à les calmer plutôt qu'à les énerver davantage. Otaan leva les yeux vers elle, il était trapu pour un Lukari. « Salutations, Arbitre. Merci de nous rejoindre à bord. Si sa présence le mettait mal à l'aise, alors il n'en laissait rien paraître. Je suis l'Administrateur Otaan, et voici mes scientifiques et ingénieurs en chef pour cette initiative conjointe. » Il récita tous leurs noms, d'une voix claire et posée.
« Je vous souhaite à tous la bienvenue. Permettez-moi également de vous présenter mon équipe. » Cajemaa présenta son équipe et annonça quels Lukaris et quels Kentaris allaient devoir collaborer le plus étroitement. Elle pouvait déjà ressentir les tensions qui naissaient entre les binômes.
Otaan fit un geste en direction des ordinateurs. « Nous arriverons sur site dans deux cycles. Nous serions ravis, chère Arbitre, de partager nos installations avec votre équipe. Nous avons quelques chambres, que vous pouvez utiliser pour vous... rafraîchir. Si les équipes souhaitent commencer à discuter de leurs tâches partagées, elles le peuvent. Nous nous entretiendrons à nouveau lorsque nous atteindrons Dranuur. »
***
Otaan fut le dernier à arriver sur le pont kentari. Malgré l'omniprésence d'indications, il trouvait l'esthétique des structures kentari beaucoup trop compliquée et déroutante. Il espérait que ce ne soit pas annonciateur des événements à venir. Néanmoins, il reconnaissait que la conception kentari présentait des avantages. Il avait, comme certains des autres Lukaris, noté l'attention aux détails et à la fiabilité de leurs systèmes. Si seulement ils pouvaient faire quelque chose pour leurs systèmes de survie... en particulier pour les régulateurs de qualité de l'air. Une conception aussi médiocre ne serait pas acceptable pour un vaisseau lukari !
L'Arbitre kentari lui fit signe de la rejoindre. « Bienvenue sur le pont, Administrateur. J'ai pensé que vous voudriez tous voir ceci. » En d'autres termes, les Kentaris allaient leur en mettre plein la vue. Sur l'écran, était affiché une planète de classe M entourée de nombreux termes et de chiffres. Une ligne attira l'attention d'Otaan : « Bactérie hostile : 82,3 % ». « Comme vous pouvez le constater, nous sommes arrivés à destination. Nous avons déjà lancé quelques sondes à la surface et les résultats de leurs mesures sont affichés à l'écran. Et non, ce n'est pas une erreur. Il n'y a que quelques problèmes qui rendent cette planète inhabitable pour nous, nous allons donc devoir régler quelques systèmes. » Elle tapa quelques instructions sur sa console. « Notre équipe conjointe d'ingénieurs de la biosphère a déjà envoyé un appareil de protomatière similaire à celui que le capitaine Kuumaarke a utilisé sur notre lune. Elle désigna la console. « Administrateur, je vous laisse l'honneur ? »
Otaan haussa les épaules et s'avança.
Quelle étrange conception de la diplomatie, se dit-il.
L'utilisation de la protomatière dans l'ingénierie planétaire fait partie de notre culture depuis un bon bout de temps. Même les écoliers la connaissent. Pourquoi me choisir moi, alors qu'un Kentari en serait véritablement honoré ? Néanmoins, l'intention était bonne et il n'allait pas snober la délégation kentari sur son propre pont.
« C'est très aimable à vous, Arbitre. » Il s'approcha de la console et appuya sur le bouton. Sur l'écran, des points s'affichèrent sur la planète en dessous. Mais surtout, les chiffres commencèrent à changer. Les niveaux d'eau s'élevaient, la flore se développait et, surtout, le taux de bactéries hostile tombait à zéro. Les membres kentaris de l'assistance regardaient cela ébahis, tandis que ses camarades lukaris attendaient une réaction de sa part.
« Merveilleux. Une preuve de ce que nos cultures peuvent accomplir ensemble, dit-il en s'efforçant d'afficher son plus beau sourire de diplomate. Vraiment épatant. Alors, quand allons-nous atterrir et commencer la construction ? »
« Il nous reste quelques tests à effectuer pour trouver l'emplacement optimal pour les premières structures et installations de production de la colonie. On n'est jamais trop prudent. » Cajemaa sourit.
Pas comme un Kentari, donc, pensa Otaan.
Ils sont en général du genre à se jeter la tête la première. Quel étrange changement ! ***
Otaan tomba sur Cajemaa alors qu'ils transportaient des caisses vers le site. Cajemaa lui fit un signe de tête, « Administrateur. »
« Arbitre. » Il prit une longue inspiration, profitant de l'air frais de la planète. « Je sors d'une réunion avec notre chef de la sécurité. »
Cajemma ne put s'empêcher de rire. « Il n'est pas le plus facile à vivre, même pour nous autres, mais il est doué pour ce qu'il fait. Il a une excellente réputation. On m'a dit qu'il avait réussi à assurer la paix entre les différentes équipes ici... enfin, plus ou moins. »
Otaan secoua la tête. « Eh bien... Nos équipes ne semblent pas aussi bien s'entendre que je l'espérais, mis à part l'équipe de construction de la base, qui semble montrer une certaine amabilité les uns envers les autres. Peut-être que les autres pourraient prendre exemple sur eux. » Il souhaitait profondément la réussite de cette colonie. Ses supérieurs lui avaient personnellement fait comprendre l'importance de ce projet. Ils lui avaient également rappelé les risques. La voix de Cajemaa le tira de ses pensées. « Pardon ? »
Cajemaa fronça les sourcils et répéta ce qu'elle venait de dire. « J'ai dit que j'avais entendu que l'Alliance envoyait également des délégués pour prêter main-forte à la colonie. En savez-vous quelque chose ? »
« Pas grand-chose. » Il avait entendu la même rumeur. Il n'était pas vraiment satisfait qu'une interférence extérieure s'immisce dans cette expérience entre les Lukaris et les Kentaris, mais il espérait qu'au moins, ils pourraient agir en médiateurs. « Espérons qu'ils travaillent bien avec nous. Tout ce que je sais, c'est que nous avons la primauté sur la conception de la base. C'est avant tout une opération conjointe des Kentaris et de Lukaris. Je ne pense pas que nos délégations respectives apprécient un incident similaire à celui qui a eu lieu sur New Kentar. »
Cajemaa fonça les sourcils. « Vous évoquez sans doute la perturbation causée par les Lukaris et leurs puissants alliés de l'Alliance, poussant avec leur supériorité technologique et militaire le gouvernement Kentari à un bras de fer. »
Otaan grimaça. Ce n'était pas la direction qu'il souhaitait voir prendre la conversation. « C'est une interprétation quelque peu... incomplète des événements. Le capitaine Kuumaarke et les forces de l'Alliance ont fait tout leur possible pour protéger New Kentar du risque d'une agression tzenkethi, et à plusieurs reprises, sous le feu des forces militaires kentari renégates ! Et que je sache, ce sont nos forces qui ont sauvé votre peuple du despotisme et de l'extinction. » Il se rendit compte un peu trop tard qu'il avait dépassé les bornes.
« Du despotisme ? Typique des Lukaris, de faire passer vos opinions pour des faits avérés. Si vous ne refrénez pas votre complexe de supériorité, cette planète ne connaîtra pas la paix. Ça, je peux vous le garantir ! »
« Écoutez, je suis navré, ce n'est pas ce que je... attendez,
comment, quel complexe de supériorité ? Nous avons tout fait pour la réussite de ce projet depuis le début ! »
« Ah vraiment ? Sans offrir ne serait-ce qu'un accès rudimentaire à votre matrice de protomatière avancée ? Ou en prétendant que tout est normal alors que vous ne supportez pas notre odeur ? Oh oui, nous avons tous remarqué. En méprisant notre technologie, la taxant de "sommaire et inutilement agressive" ? Vous n'avez pas arrêté de nous juger ! Nous n'avons peut-être pas raison sur toute la ligne, mais au moins, nous y mettons de la bonne volonté ! Alors descendez de votre piédestal et faites-en autant ! »
Otaan était stupéfait. Il n'avait jamais vu Cajemaa comme ça depuis qu'ils travaillaient ensemble. Et il savait qu'elle avait raison. « Très bien. Il posa sa caisse, enleva son gant gauche et tendit la main. Peut-être que cette étrange coutume terrienne dont Kuumaarke lui avait parlé fonctionnerait.
Reprenons depuis le début. Je suis Otaan. Je suis là parce que je crois en cette aventure, et je veux nous voir réussir en tant que peuple uni. Serrons-nous la main. L'expression de surprise sur le visage de la Kentari le fit sourire ; elle empoigna sa main et la secoua fermement, comme les Terriens le feraient. Elle avait la poigne d'une ouvrière, pas d'une diplomate. Il tenta de ne rien laisser paraître.
« Je suis Cajemaa, répondit-elle. Moi aussi, je souhaite que nous réussissions et j'ai conscience que cela demandera beaucoup de travail et d'efforts de la part de chacun, quelle que soit notre origine. Nous devrions d'ailleurs nous y remettre.
Tandis qu'Otaan acquiesçait, elle sourit et lui offrit du désinfectant pour les mains.
Oh, au fait, Otaan. S'il vous plaît, promettez-moi que nous ne referons plus jamais ce serrage de mains. »
« Tout à fait d'accord. Mieux vaut laisser cette coutume aux Terriens. Des individus formidables, quoi qu'un peu trop familiers. »
Ryon “Melange” Levitt
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Source :
[PC] Pas à pas