« L'hiver du mécontentement »À l'abri derrière le bouclier temporel de leur vaisseau, les Vorgons s'apostrophaient mutuellement.
« On ne peut pas m'en tenir responsable ! », hurla Caldur. « Tu en as fait une affaire personnelle, Boratus. Je te pensais au-dessus de tout ça. »
Boratus pointa le doigt derrière lui, en direction de la cellule du vaisseau. «
Ils en ont fait une affaire personnelle. Ils ont tué Ajur ! Ce sont eux qui ont poussé le bouchon trop loin. Nous voulions juste le Tox Uthat, mais les agents temporels de Starfleet et leurs "amis" en ont fait une vendetta. »
Caldur rétorqua : « Tu as eu ta chance. Cela nous a déjà coûté trop cher. Nous sommes à présent embourbés dans l'interminable bataille de Procyon V, et qu'avons-nous obtenu en retour ? Absolument rien ! Ajur est morte, Boratus. Laisse-la partir avant que cela ne te coûte encore plus cher. Picard a été plus malin que toi. Tu aurais dû retenir la leçon la première fois. Je refuse de risquer ma réputation ou mes ressources sur le front pour ça. Nous remettrons ces prisonniers aux Breens, nous récupèrerons ce que nous pourrons, et nous partirons. » Il se retourna et s'éloigna des cellules, en direction des turbolifts.
Boratus serra les poings en vain pendant un moment, puis se retourna lui aussi, avant de revenir dans le secteur des cellules. Il examina le petit groupe d'officiers de Starfleet affalés ou recroquevillés dans les différentes cellules.
L'un des officiers débraillés le regarda depuis le sol de sa cellule et dit : « Vous savez que Starfleet viendra nous chercher. Vous ne faites que compliquer votre situation. »
Boratus regarda des deux côtés, vers les petits groupes recroquevillés d'officiers de Starfleet capturés pendant l'invasion de la Terre par les Breens au 24ème siècle, et dit : « Votre perception est peut-être différente, mais cette situation est loin d'être compliquée pour moi. C'est vous qui croupissez dans une cellule. C'est moi qui vais négocier votre captivité avec les Breens, en échange de diverses considérations. Je pense que votre hébergement va nettement se rafraîchir. »
L'officier de Starfleet se releva et lui fit face à travers le champ de force de sécurité. Boratus en savait un peu sur le protocole de Starfleet : il avait révisé avant de rencontrer Picard à Risa et l'identifiait comme un jeune lieutenant humain. Elle dit alors : « Pourquoi vous impliquer dans tout ça ? Votre peuple n'est un allié ni du Dominion, ni des Breens. Vous vous faites des ennemis inutilement. Ramenez-nous à Starfleet, et nous pourrons tirer tout ça au clair. Vous semblez nous connaître, vous devez savoir que la Fédération adoptera une approche diplomatique avec vous si vous formulez l'offre. »
Boratus y réfléchit pendant un instant. L'officier essayait clairement d'étudier ses motivations et de trouver une faille lui permettant de faire pression sur lui. Malheureusement pour elle, elle n'avait rien à lui offrir ; alors que remettre ces prisonniers de Starfleet aux Breens de cette époque leur confèrerait quelques faveurs. Mais lui non plus ne pouvait rien glaner d'utile en lui parlant. Il ne servait donc à rien de perdre du temps...
Ses yeux se plissèrent puis, après un instant, il actionna le panneau de commande sur le mur. Une legère brume envahit la cellule, et les divers humanoïdes qui s'y trouvaient s'écroulèrent au sol. Tous sauf le Benzite, qui possédait son propre générateur d'atmosphère. Sans surprise, un combadge, dont l'extérieur était déjà fendu et dont les circuits exposés, tomba de la main de l'un des ingénieurs dans la cellule.
Boratus comprit alors que les négociations de l'officier n'étaient qu'une tentative de distraction. Heureusement, il était bien trop attentif pour tomber dans le piège. Il pointa le Benzite du doigt et dit : « Que le sort de tes amis vous serve de leçon. Il est inutile de chercher à s'échapper. Gardez votre énergie pour l'arrivée des Breens. »
Derrière Boratus, la porte des cellules s'ouvrit, et trois Breens vêtus de leurs combinaisons typiques entrèrent.
« Ah. En parlant des Breens, les voilà. Je vous laisse prendre votre avenir en main », dit Boratus d'un ton quelque peu hautain. Il s'arrêta et jeta un coup d'oeil aux Breens, avant de quitter la pièce.
Ces derniers s'attardèrent près du champ de force en communicant par moments via les bourdonnements et les gazouillis modulés émis par leurs combinaisons. Après une minute environ, l'un des Breens actionna la console de sécurité murale plusieurs fois et le son de l'air en circulation emplit les cellules pendant quelques secondes.
Les officiers de Starfleet reprirent lentement connaissance, se relevèrent et examinèrent à nouveau l'endroit où ils se trouvaient. Le Breen situé près de la console de sécurité hocha la tête, désactiva le champ de force et retira son casque.
En réponse, le Benzite dit : « Je pensais que les Breens étaient amorphes. »
Daniels esquissa un sourire. « Allons. Je ne peux pas me charger de cette évasion tout seul. » Il fit un geste et les deux autres Breens se mirent en position : l'un garda la porte, tandis que l'autre entra dans la cellule et commença à distribuer de fines bandes de plastiques dotées de microcircuits. « Fixez ça à vos uniformes », dit Daniels. « On vous ramène chez vous. »
Les officiers acceptèrent docilement les bandes. Le lieutenant demanda : « Monsieur, comment avez-vous réussi à pénétrer à bord de ce vaisseau ? Et comment allons-nous le quitter ? Les Breens attaquent actuellement la Terre, il y aura des boucliers et des champs de sécurité de tous les côtés, et Starfleet n'acceptera certainement pas l'atterrissage d'un transporteur en provenance d'un vaisseau ennemi. »
Daniels laissa tomber le casque Breen et commença à retirer ses gants. « Faites-moi confiance, Lieutenant », dit-il. « Les Vorgons ont été impliqués là-dedans, car leur cupidité les a fait s'empêtrer dans une affaire personnelle. Je suis ici, car mon devoir m'a fait venir ici. Et vous êtes ici, car les Vorgons pensent que personne ne remarquera que vous avez disparu de la Terre pendant les attaques et que vous serez tout bonnement ajoutés à la liste des disparus et des morts présumés. »
« Évidemment, il m'était facile de simuler une communication Breen afin d'accéder à ce vaisseau en tant que "représentant" intéressé par un échange de prisonniers avec les Vorgons », poursuivit Daniels. « Ils étaient uniquement motivés par ce qu'ils pouvaient gagner, alors je leur ai offert quelque chose en retour. Bien entendu, la
vraie raison de ma présence est de sauver des vies. Les Vorgons ont sous-estimé ce que Starfleet est prêt à faire pour protéger les siens. Tout le monde est prêt ? »
Les officiers de Starfleet acceptèrent dans un murmure. Daniels prit une autre petite bande de plastique également couverte de circuits imprimés, mais celle-ci d'un rouge translucide. Il plaça la bande sur la console murale et dit : « Leurs boucliers devraient être désactivés d'ici trois secondes. Préparez-vous à la téléportation. »
Le bourdonnement des rayons du téléporteur satura l'air autour des officiers, et ils disparurent, transportés vers un endroit sûr.
Le jeune lieutenant qui avait parlé à Boratus un peu plus tôt était toujours dans sa cellule. Elle fut perplexe pendant un instant, puis tapota sur la petite bande de plastique. « La mienne est cassée ? » demanda-t-elle, en sentant la panique s'installer.
Daniels soupira et se tourna vers le jeune lieutenant. « Désolé de vous faire subir cela, mais la
vraie raison pour laquelle je suis là n'est pas seulement pour sauver des vies. Je dois protéger la ligne temporelle. »
Le lieutenant sembla surprise, puis se résigna à son sort. « C'est donc ça. Qu'ai-je fait ? Ou que n'ai-je pas fait ? »
Daniels répondit aussi doucement que possible : « Vous êtes morte. Ou plutôt, vous devriez l'être. Vous voyez ce tir de polaron qui vous a effleuré le bras ? Il devait vous toucher dans le dos. Vous auriez été morte sur le coup. Mais vous avez été distraite par les Vorgons et vous vous êtes tournée juste au bon moment. »
Le lieutenant déglutit avec difficulté, se ressaisit et dit : « Je suis un officier de Starfleet. Si je dois mourir pour protéger la ligne temporelle... »
Daniels secoua la tête. « Non. Vous allez faire
semblant d'être morte. Mais vous allez intégrer le service temporel. Nous ne rentrons pas sur Terre, en tout cas, pas tout de suite. Nous allons dans le futur. Bienvenue dans les Opérations temporelles, Lieutenant. En ce qui concerne les Vorgons... ils ont appris que leurs amis ne sont pas du genre à venir les sauver quand ils sont dans le pétrin. »
Daniels tira un transpondeur temporel des plis de sa combinaison Breen et appuya sur la détente. « Voilà la principale différence. Ce que nous faisons, nous ne le faisons pas pour nous. Nous le faisons pour tous les autres. » Le faisceau de particules de chroniton scintillantes se teinta de bleu, et Daniels et son équipe, maintenant dotée d'un nouveau membre, disparurent.
Jesse Heinig
Game Designer
Star Trek Online
Source :
« L'hiver du mécontentement »