La lame du destinSūrū Yoshitaro resserra sa prise sur la garde de son katana, alors que la pluie tombait dru en ricochant sur son armure et celle de ses deux compagnons trempés. Un éclair illumina brièvement les contours du château de son daimyō derrière lui. Silencieusement, il récapitula les événements qui l'avaient mené à cet instant précis ; la façon dont les paysans menaçaient de se révolter contre son seigneur, prétendant qu'un Oni rôdait autour de la ville. Intrigué, il s'était porté volontaire pour enquêter sur ces affirmations, en compagnie de ses amis les plus proches, au nom du Seigneur Uesugi.
Cette créature, prétendaient-ils, ne se montrait qu'à la nuit tombée, lorsque les nuages de pluie occultaient la lumière de la lune. Et donc le voici, en cette soirée si misérable.
Sūrū se tourna vers les autres. "Il ne s'agit certainement que d'une vulgaire superstition de paysan. Mais il est de notre devoir de mettre ce mystère au clair. Et si un Oni rôde réellement sur nos terres, nous l'abattrons en l'honneur du Seigneur Uesugi, le shogun Tokugawa et l'Empereur Higashiyama."
"Ou nous mourrons en essayant" répondit Naoe Kanemasa avec son calme habituel. "L'un des paysans prétend avoir vu cette créature employer de la magie noire pour mettre le feu à un champ. Si cette bête existe bel et bien, nous devons faire preuve de prudence."
"Bah !" intervint le troisième homme, Maeda Takamaru, un combattant fort comme un ours. "Qu'il vienne, cet Oni ! Les démons ne me font pas peur !" lâcha-t-il avec un rire tonitruant pour souligner son propos.
Sūrū secoua la tête et se mis à observer les ténèbres alentours. S'il devait mourir ce soir, autant que ce ne soit pas à cause de sa propre négligence. Ses pensées s'égarèrent un instant en direction de sa femme, enceinte. D'après elle, il s'agissait d'un garçon. Elle en était persuadée. Il se chargerait de son enseignement pour qu'il devienne un fort et fier samouraï, comme ses ancêtres avant lui. Et puis il la vit. Une silhouette semblable à celle d'un homme, mais pas tout à fait.
"Halte ! Qui va là ?"
La forme laissa émaner un horrible borborygme qui n'avait rien à voir avec du japonais, ni aucun autre langue que Sūrū avait pu entendre auparavant. Les trois samurais réagirent au quart de tour, dégainant leur katana et encerclant leur cible. Un éclair illumina à nouveau le ciel, révélant le visage gris et torturé de l'Oni, orné de deux yeux rouges comme le sang. La créature se mit à briller d'un éclat surnaturel, et tout à coup, elles étaient deux. Maeda chargea avec son nodachi, une épée à la hauteur de sa stature. Il trancha le corps de la bête du fil de sa lame, mais elle se contenta de le traverser sans aucune résistance ni blessure.
Sūrū courut vers la deuxième silhouette. Une explosion magique d'un vert éblouissant s'éparpilla au-dessus de sa tête lorsque Naoe le plaqua soudainement au sol. "Les rumeurs étaient donc vraies," observa-t-il d'un air sinistre. Les deux compagnons se relevèrent pour donner l'assaut au monstre. L'Oni continua à faire pleuvoir des décharges d'énergie couleur d'émeraude autour d'eux, qui semblaient provenir d'un étrange objet ayant la forme d'une arquebuse teppo, mais ne se rechargeait pas du tout de la même manière. Les trois samouraïs parvinrent à s'approcher du démon, trop près pour que son teppo ne lui soit plus d'aucune utilité.
L’Oni repoussa Maeda d'un coup de pied vicieux - cette créature était aussi forte que les légendes le racontent. Il frappa Naoe avec la crosse de son arquebuse, laissant son visage ensanglanté s'écraser à terre. Mais c'est à ce moment-là que Sūrū vit une ouverture, et frappa de toutes ses forces. L'Oni planta son regard dans les yeux de Sūrū, la surprise peinte sur son visage d'avoir été ainsi vaincu, puis s'effondra.
Sūrū essuya le sang jaune qui maculait sa lame, rengaina son épée et alla s'enquérir de l'état de ses amis. Bien que leur fierté ait souffert ce soir-là, Naoe tout comme Maeda survécurent à cette rencontre. Ils se retournèrent vers le cadavre de leur ennemi juste à temps pour le voir s'évaporer dans une drôle de lumière d'outre-monde. "La bête est retournée au Jigoku, là où elle doit être. Le Seigneur Uesugi sera satisfait d'apprendre qu'Yonezawa et son peuple sont à nouveau en sécurité."
***
"Vous êtes en train de me dire qu'un agent Na'kuhl a été neutralisé par un ancêtre de la lignée d'Hikaru Sulu ? Vous appelleriez ça une coïncidence ? Ou peut-être le karma ?"
Le capitaine Walker ne savait que faire de ce rapport. On aurait dit que les Na'kuhls ciblaient un ancêtre des Sulus à dessein - ses propres expériences à ce sujet confortaient cette théorie. Ils avaient servi avec distinction au sein de Starfleet depuis des générations ; leur perte aurait un sérieux impact sur l'histoire de la Fédération. Sans Hikaru Sulu aux commandes, est-ce que l'
Excelsior serait jamais parvenu à atteindre Khitomer afin d'empêcher la destruction de l'
Enterprise ? Comment se serait déroulé le premier tour de service à bord de l'
Enterprise-B, si Demora Sulu n'avait pas été à sa tête ?
Est-ce que le Spatiodock de la Terre aurait survécu à l'attaque iconienne sans le commandement avisé d'Akira Sulu ?
"C'est difficile à dire, monsieur." Le professeur Maureana Barkley pris une profonde inspiration."Il y a eu d'autres rapports dans la zone, et comme pour la plupart des histoires que nous trouvons, ils sont nimbés de mystère. La limite entre mythe et réalité est difficile à cerner. Que ces guerriers d'antan aient été les cibles de cet agent, ou simplement trop malchanceux pour tomber nez-à-nez avec lui, ils l'auront au moins mené à sa perte. Nous sommes actuellement à la recherche d'autres enregistrements du 17ème siècle sur Terre, afin de peut-être découvrir d'autres pistes. Si l'agent a été téléporté après la bataille, il est possible qu'il ne travaillait pas seul."
"Ce qui nous laisse une autre question," répliqua Walker d'un air sombre. "S'ils avaient un vaisseau à disposition pour téléporter l'agent, pourquoi n'avons-nous aucun enregistrement de ses activités ? L'humanité primitive qui peuplait la Terre à cette époque n'avait aucun moyen de se défendre contre la technologie d'un vaisseau Na'kuhl entièrement opérationnel. Cette histoire ne tient pas la route."
"J'aurais tendance à être d'accord avec vous, capitaine," dit doucement Barkley. "C'est un mystère que j'aimerais percer, juste pour être certaine."
"Nous sommes deux, professeur," dit Walker avec un sourire. "Je compte sur vous et votre équipe pour trouver la solution à cette énigme. Merci pour tout votre excellent travail. Walker, fin de la transmission." Son écran s'éteignit, et il se retrouva à nouveau avec plus de questions que de réponses. Résigné face à son destin, il contacta son premier officier via le communicateur.
"Walker à Nereda. J'espère que vous n'avez rien prévu ce soir, nous avons fort à faire..."
Source :
La lame du destin